Une proposition de loi vise à instaurer une « sixième semaine de congés payés »

Le 2 juillet 2019, a été enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale, une proposition de loi émanant de députés de la FRANCE INSOUMISE visant à modifier le seul article L. 3141-3 du Code du travail pour, in fine, « instituer une sixième semaine de congés payés ».

L’exposé des motifs fonde sa nécessité:

  • D’une part, sur le fait qu’il serait temps de reprendre le chemin vers le temps libre et le progrès social puisqu’aujourd’hui nous connaîtrions une augmentation considérable de la productivité des travailleurs français (par rapport à une journée travaillée en 1982, date de l’institution de la 5e semaine de congés payés).
  • D’autre part, à cause de l’automatisation des process de production, qui réduirait la main d’œuvre humaine :

« Il est donc logique de réduire d’autant le temps de travail sur l’année, afin que celui-ci ne soit pas réservé à un petit nombre de personnes, tandis que les autres sont au chômage, faute de travail disponible ».

N.B. Cette idée n’est pas nouvelle. Dès les années 1930 Luigi Einaudi, économiste Italien, proposa de « travailler moins pour travailler tous » afin d’éviter la chute des dépenses de consommation induite par le chômage.

In fine, cette mesure devrait permettre, selon les initiateurs de la proposition ; la création d’emplois puisqu’il serait impossible de compenser une semaine d’absence par une réorganisation du temps de travail sur une journée, de sorte que l’employeur serait obligé de recruter.

http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/propositions/pion2097/(index)/propositions-loi

Quelques observations sur cette proposition et sur ses justifications :

A titre préalable, notons que le fait pour un salarié de travailler pendant la durée de son congé, puisqu’il constitue un véritable droit au repos, est susceptible de constituer une faute grave donc justifier un licenciement. La sixième semaine de congés payés ne pourrait donc justifier, pour le salarié, du temps libre pour travailler (pour son employeur ou un autre…)

Cette précision faite, tout d’abord, l’organisation de la prise de congés payés incombe, en vertu de son pouvoir de direction, à l’employeur. Ainsi, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts s’il n’a pas bénéficier de son congé. Autrement dit, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que le salarié puisse bénéficier de ses congés. Il serait susceptible, dans le cas contraire, d’engager sa responsabilité civile voire pénale.

Ensuite, la modification de l’article L. 3141-3, si elle devait entrer en vigueur, constituerait une nouvelle disposition d’ordre public. Il ne serait donc pas possible pour l’employeur d’aménager cette durée par accord collectif (sauf dans un sens plus favorable aux salariés). Finalement, certains employeurs peuvent déjà faire bénéficier à leurs salariés une sixième semaine de congés payés.

En outre, sur la justification tirée de l’obligation de recrutement, relevons qu’il est déjà possible pour l’employeur de remplacer le salarié en congé en recrutant un salarié sous contrat à durée déterminée ou en ayant recours au travail temporaire. Rien ne l’oblige ou l’obligerai donc à recruter davantage.

S’agissant de la durée des congés payés, l’article L. 3141-18 du Code du travail, qui ne semble pas, paradoxalement, être modifié par ladite proposition, nous dit que la durée des congés payés pouvant être pris en une seule fois est de 24 jours ouvrables (sauf dérogations). En d’autres termes, seules 4 semaines peuvent être prises en continu, la 5e devant être prise séparément et/ou en fractionné. En conséquence, la 5e, voire la 6e semaine, pourraient être prises pendant, ou en dehors de la période légale des congés. L’impossibilité avancée et, a fortiori la conséquence qui en est tirée (la création d’emplois), nous paraissent donc tout à fait relative, puisque rien n’oblige le salarié à prendre la 5e, voire la 6e  semaine en une seule fois et donc à obliger l’employeur à réorganiser le temps de travail.

Finalement, au-delà du besoin que pourrait ressentir les salariés à bénéficier d’une semaine supplémentaire de congés payés, les arguments avancés par les initiateurs de la proposition, ne nous semblent pas juridiquement pertinents.

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