Un habitant de LE PORTEL, dans le Pas de Calais, craignant pour sa santé, voulait que soit réinstallé son ancien compteur non communiquant. Il assigna donc ENEDIS en référé sur le fondement de l’article 809, alinéa 1erdu Code de procédure civile.
Par une ordonnance du 30 avril 2019, le juge des référés, s’il a débouté ENEDIS de son exception d’incompétence, a néanmoins rejeté la demande de remise en état.
Il l’a rejetée aux motifs :
– D’une part qu’aucune preuve ne permettait de caractériser un dommage imminent de nature à permettre d’ordonner le remplacement du compteur intelligent par un compteur classique.
– D’autre part, que la preuve de la violation, par ENEDIS, des prescriptions légales et réglementaires en matière d’enregistrement de la courbe de charge et la transmission des données recueillies n’est pas non plus rapportée, de sorte que le trouble manifestement illicite, qui doit être apprécié au moment où le juge statue, n’est pas, non plus, caractérisé.
L’absence de caractérisation des ces deux conditions serait la conséquence d’un double défaut de preuve.
Sur l’absence de dommage imminent
Le juge des référés rappelle d’abord que, pour que la mesure de remise en état soit prononcée, il doit être constaté, à la date à laquelle il statue et avec l’évidence inhérente à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, d’un préjudice ou la méconnaissance d’un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines.
Or, le demandeur soutenait d’abord qu’aucun délai de prévenance n’avait été respecté par ENEDIS. Si le juge des référés retient qu’effectivement un délai de prévenance suffisant n’a pas été respecté (le demandeur avait reçu le 3 juillet 2018 un courrier du prestataire d’ENEDIS l’informant du changement entre le 28 juin et le 5 juillet 2018 de son compteur ; finalement, le prestataire était intervenu le 29 juin 2018, soit avant la réception du courrier…), ce fait ne justifie pas à lui seul le retrait du compteur LINKY, a fortiori puisqu’il avait été averti, par ENEDIS, 2 mois avant le changement de son compteur.
Ensuite, le demandeur versa aux débats divers certificats médicaux mettant en évidence, certes un certain nombre de troubles : apnée du sommeil, intolérance aux champs électromagnétiques, etc. mais malheureusement établis par son seul médecin traitant.
Or :
– D’une part, le juge considère qu’il ne verse pas la preuve de l’anormalité des taux d’émission de champs magnétiques par le LINKY et, au surplus, que ce dernier se situe à l’extérieur de son logement.
– D’autre part, selon le magistrat, le certificat médical repose sur les affirmations du patient, de sorte que le lien de causalité entre ces syndromes et la présence du compteur LYNKY n’est pas certain.
Enfin, s’appuyant sur les rapports de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire et de l’Alimentation) qui dénient, aujourd’hui, tout lien entre le compteur LINKY et l’apparition de maladies ou d’anomalies biologiques, notamment parce que les ondes émises seraient inférieures aux plafonds prévus par les normes sanitaires, le juge des référés en déduit qu’aucun « élément de preuve ne permet de caractériser un dommage imminent de nature à permettre d’ordonner le remplacement du compteur intelligent par un compteur classique ».
Sur l’absence de violation des exigences réglementaires en matière de protection des données à caractère personnel
Le compteur LINKY, en vertu des dispositions de l’article R. 341-4 du Code de l’énergie, comporte un traitement des données enregistrées. Les données transmises par le LINKY constituent donc des données personnelles et doivent à ce titre obéir aux dispositions du Règlement Européen du 27 avril 2016.
Or, le demandeur, considérant être victime d’apnée du sommeil et d’intolérance aux champs électromagnétiques s’était, par plusieurs courriers adressés à la Direction de ENEDIS, opposé à la mise en place du LINKY. Ces motifs entraient donc dans le cadre de l’article 21 du RGPD selon lequel : « la personne concernée a le droit de s’opposer à tout moment, pour des raisons tenant à sa situation particulière, à un traitement des données à caractère personnel la concernant (…) ».
Or, force est de constater que les données personnelles continuèrent à être traitées malgré son opposition. De sorte que le demandeur considéra qu’ENEDIS lui causa un trouble illicite et manifeste au sens de l’article 809 précité.
Le juge des référés ne suivra pas cette argumentation.
S’appuyant sur l’obligation pour ENEDIS d’installer et de déployer ces équipements et sur l’article 6 du RGPD selon lequel le traitement des données est licite s’il est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public, le juge va rejeter la demande en considérant que la preuve n’est pas apportée qu’ENEDIS procéderait à la collecte et à la transmission des données de comptage du demandeur en dehors du cadre légal.
Par ailleurs, le juge va considérer que la pathologie dont souffre le demandeur ne constitue pas une « situation particulière » au sens de l’article 21 précité, puisqu’ « aucun lien n’est établi entre l’apnée du sommeil dont souffre le demandeur avec la collecte et la transmission des données de comptage, (car) aucune informations à caractère médical n’étant collectées par le compteur LINKY ».
L’existence d’un trouble manifestement illicite n’est donc pas, non plus, caractérisée.