Conséquences de l’absence du demandeur suite à opposition à ordonnance d’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer est particulière puisque non contradictoire : le juge est saisi par une requête émanant du créancier (ici un établissement bancaire) et, s’il estime la demande fondée, rend une ordonnance, exécutoire, au terme de laquelle il condamne le débiteur au versement d’une somme d’argent.

C’est donc au moment de la présentation de l’ordonnance par le Commissaire de Justice, que le débiteur apprend qu’il est condamné à payer.

La seule possibilité pour lui de contester est de faire opposition. Ce que j’ai fait pour ma cliente.

L’affaire est alors jugée de manière classique.

Dès lors, l’autre particularité est que lors de l’instance sur opposition, le créancier conserve sa qualité de demandeur.

Or, que se passe-t-il si le créancier ne comparaît pas à l’instance venant sur opposition ?

En principe, en l’absence du demandeur pour soutenir sa demande celle-ci est déclarée caduque par le tribunal.

Dans le cadre de la procédure venant sur opposition à ordonnance portant injonction de payer, une difficulté pourrait poindre puisqu’une décision de justice, ici une ordonnance, exécutoire, a été rendue.

Dans l’affaire qui nous concernait, le créancier n’était pas présent lors de l’audience. J’ai donc soumis, à l’oral, au magistrat qu’il prononce la caducité, non pas de l’ordonnance mais de la requête initiale du créancier ce qui a pour effet de rendre l’ordonnance portant injonction de payer non avenue et d’éteindre, pour le moment, l’instance. Le magistrat m’a suivi.

DAVID 1 / GOLIATH 0

Rappel des conditions de régularité de la requête en saisie des rémunérations par le Tribunal judicaire de BOULOGNE SUR MER.

Ma cliente était poursuivie en saisie sur salaire par une Société de crédit.

D’aucuns pensent qu’il s’agit d’une formalité, voire la dernière « chance » de solliciter des délais de paiement.

Il est toutefois important de rappeler que cette procédure est soumise à certain formalisme, prévu aux articles 54 et 57 du Code de procédure civile et R. 3252-13 du Code du travail.

En l’espèce, nous avons soulevé in limine litis la nullité de la requête aux motifs qu’elle ne comportait pas le bordereau ni les pièces sur lesquelles la demande était fondée.

Le Tribunal a, le 07/03/2023, accueilli la demande considérant que cette irrégularité causait grief à ma cliente n’ayant pas pu assurer correctement sa défense.

En conséquence, la banque est déboutée de ses demandes et condamnée reconventionnellement à verser à ma cliente une somme au titre des frais irrépétibles.

Débits frauduleux sur compte bancaire / SECURIPASS / Mail de Phishing n’excluent pas le remboursement des sommes indûment prélevées par la Banque

La Banque, qui refuse de rembourser des sommes indûment prélevées, doit apporter la double preuve d’un agissement frauduleux de son client et de l’existence d’une déficience. Tel est le rappel effectué par Pôle proximité du Tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer le 14/11/2022.

En l’espèce, trois débits litigieux s’étaient présentés sur le compte bancaire de notre client pour un montant total de 3.181,11€.

Si un mail de phishing lui a été adressé, la preuve n’est pas rapportée par la Banque qu’il a fourni, notamment, ses coordonnées bancaires.

De même, l’avis « négatif » du Médiateur Bancaire ne permet pas de démontrer de manière certaine une négligence de notre client.

En conséquence, le comportement frauduleux ou la négligence grave de celui-ci n’est pas rapportée par l’établissement bancaire.

En outre, la Banque ne démontre pas plus que les opérations litigieuses auraient été authentifiées, dûment enregistrées, comptabilisées et qu’elles ne sont pas affectées d’une déficience technique ou autre.

En conséquence, celle-ci est condamnée à rembourser à notre client les sommes indûment prélevées.

Le Droit au crédit

Le Droit au crédit de lege lata

Dans la catégorie des droits discrétionnaires, le Droit au crédit tient une place bien assise : il n’existe pas. Les règles relatives au droit de la consommation, contenues à l’alinéa premier de l’article L. 121-11 du code du même nom, qui interdisent le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, ne s’appliquent pas aux opérations de banque (Cass., civ. 1re 11 octobre 1994, n° 92-13.947) et donc au refus de crédit. 

Le droit pour l’établissement de crédit de refuser un crédit a été consacré par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass., plén. 9 octobre 2006, cassation n° 06-11.056). Cette liberté est un des fondements du droit bancaire. 

Donc, la banque qui aujourd’hui refuse un crédit n’a pas à se justifier; mieux, elle ne peut voir sa responsabilité engagée pour refus de crédit. 

Pourtant et paradoxalement, si le Droit au crédit n’existe pas, l’expression, elle, est consacrée. Les termes figurent au troisième alinéa du III de l’article L. 511-10, du Code monétaire et financier introduit suite à l’adoption de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Selon ses termes, « pour fixer les conditions de l’agrément, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut prendre en compte la spécificité de certains établissements de crédit ou sociétés de financement appartenant au secteur de l’économie sociale et solidaire. Elle apprécie notamment l’intérêt de leur action au regard des missions d’intérêt général relevant de la lutte contre les exclusions ou de la reconnaissance effective d’un droit au crédit ». 

Toutefois, la consécration du terme n’implique pas la consécration du Droit.

Néanmoinspourrions-nous considérer qu’un premier pas a déjà été franchi dans la reconnaissance d’un Droit au crédit par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité qui, dans quelques unes de ses délibérations, s’est appuyée sur les dispositions d’ordre public du Code pénal (225-1 et 225-2) qui prohibent la discrimination lorsqu’elle consiste pour le banquier à refuser ou à subordonner la fourniture d’un service[1]à une condition fondée sur l’origine[2] ; et « ne prévoit pas d’exception à cette interdiction en matière de crédit[3] ».

Peut-être ces conditions préfigurent-elles une reconnaissance particulière ?

Un arrêt rendu par la cour d’appel de Reims en 2007[4], est significatif et pourrait être de nature à remettre en cause l’analyse qui refuse de voir consacrer un Droit au crédit. En l’espèce, le prêteur avait accordé des prêts professionnels à deux époux afin d’étendre leur activité commerciale par l’achat de matériel. Les deux époux avaient décidé d’acquérir des locaux d’exploitation via une société civile immobilière. Mais au dernier moment le prêteur exigea une hypothèque sur la résidence principale, en plus du privilège du prêteur de deniers sur le bien financé. Les époux ont refusé cette double garantie, entrainant le refus de crédit. La conséquence fut l’impossibilité de rechercher un autre partenaire financier et l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. Le liquidateur, qui assigna la banque en responsabilité, le fit sur plusieurs fondements, dont le refus fautif de crédit qui fit perdre une chance de voir prospérer leur activité et, in fine, de pouvoir régler le passif exigible avec un actif disponible suffisant. La Cour d’appel confirma le jugement et donna satisfaction au liquidateur, reconnaissant par là le caractère fautif et déloyal du comportement du banquier. 

Il ne paraît donc pas incohérent de considérer que le refus d’octroyer un concours soit fautif s’il est de nature à causer l’ouverture d’une procédure collective. Certes, pourrait-on rétorquer qu’il est toujours possible pour l’emprunteur de rechercher un financement auprès d’un autre organisme prêteur. Mais cette possibilité n’est pas une cause d’exonération pour le banquier si cette recherche, effectuée dans l’urgence, n’aboutit pas[5]

De lege lata, les solutions paraissent tendre vers la reconnaissance d’un Droit au crédit.

Le Droit au crédit de lege ferenda

La crise dite « des subprimes », en 2008, nous a montré combien l’économie était dépendante du crédit.

Nous, acteurs de la vie économique, sommes complètement dépendant du crédit. Pour preuve, c’est lorsqu’il vient à manquer que les difficultés apparaissent. Le crédit est indispensable, vital même, au maintien de l’activité de l’entreprise. Le crédit possède un rôle social, économique. Le crédit régule la confiance tout en ayant une dangerosité intrinsèque par les risques qu’il peut faire encourir aux particuliers ou aux entreprises.

Tous ces éléments militent pour la reconnaissance d’un Droit au crédit.

Si l’accès au crédit est aujourd’hui facilité, par le développement des microcrédits, le droit au découvert, ou encore l’octroi des crédits à taux zéro, un Droit au crédit ne manque plus qu’à émerger. 

Par ailleurs, l’État a créé, en 2008, la médiation du crédit aux entreprises. Il s’agit d’un dispositif gratuit et confidentiel pour aider les entreprises qui rencontrent des difficultés de financement. Le médiateur pourrait intervenir pour des emprunteurs qui se sont vus refuser un crédit, pour des vendeurs de biens qui n’ont pu vendre compte tenu du refus de crédit opposé à leur acquéreur potentiel; ils pourraient être tentés de rechercher la responsabilité de la banque sur ce motif. 

Or, si ce médiateur intervient, c’est qu’un droit a été méconnu. Par ce biais, le Droit au crédit pourrait apparaître implicitement consacré. D’ailleurs, le terme est consacré comme l’un des « 5 principaux motifs de saisine » (https://mediateur-credit.banque-france.fr)

Quels pourraient être alors les éléments juridiques pour une construction ?

L’établissement de crédit qui refuse l’octroi d’un crédit devrait motiver sa décision. Cette motivation pourrait être contrôlée, par exemple par une autorité de contrôle du crédit dont la mission serait de contrôler les causes de refus. Ces causes devront être strictement appréciées. L’autorité de contrôle pourrait être saisie à la demande de l’emprunteur, par le médiateur ou par l’établissement de crédit. Dans l’hypothèse où un accord n’a pas pu être trouvé entre les parties, cette autorité pourrait prendre une forme arbitrale, composée de représentant des dirigeants de petites ou moyennes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire ainsi que des professionnels du crédit aux entreprises. 

Le préjudice pourrait consister en la perte de chance de ne pas contracter, la non-réalisation de l’opération envisagée, ou encore l’ouverture d’une procédure collective. Auquel pourrait s’ajouter un préjudice moral si l’emprunteur se trouve dans l’impossibilité de retrouver une solution rapidement.

Il est nécessaire d’établir également un lien entre le refus fautif et ce préjudice, lien qui ne devrait toutefois pas permettre de prendre en compte tous les faits, mais seulement celui propre à le produire. 

Quoi qu’il en soit, la relation ne devrait plus être fondée, comme c’est censée être le cas aujourd’hui, sur l’idée de confiance (mais, tout crédit n’implique-t-il pas un mensonge ? telle est la question posée par BALZAC dans LE FAISEUR). Cette scission ferait perdre au crédit son caractère intuitu personae. Mais, ce caractère semble déjà quelque peu érodé, vue la possibilité quasi discrétionnaire laissée au banquier de soutenir ou rompre le crédit…

Il resterait alors à déterminer sans doute les éléments les plus importants: l’accord sur le risque et sur le taux. Bien que le « risque » ne semble pas compatible avec le « droit ».


[1]La notion de fourniture de biens ou de services est entendue largement et recouvre la totalité́ des activités économiques, les termes « biens et services » devant être compris comme visant « toutes les choses susceptibles d’être l’objet d’un droit et qui représentent une valeur pécuniaire ou un avantage ». V., CA Paris, 21 novembre 1974, D. 1975, p. 471, note C.-I. Foulon-Pignaniol et CA Paris, 8 juin 2010, n° 08/08286.

[2]Délibération n° 2010-296 du 13 décembre 2010 par laquelle la haute autorité a souligné que « Se prévalant de la liberté́ des établissements de crédit de refuser un crédit, le mis en cause n’a communiqué à la haute autorité́ aucun élément quant aux motifs du refus (…)En conséquence, l’absence de justification au refus du prêt et de la caution, ainsi que les déclarations de l’établissement de crédit concernant son appréciation du risque de non recouvrement à raison du domicile de la caution, laissent présumer une discrimination ».

[3]Délibération n° 2010 -193 du 27 septembre 2010. 

[4]CA Reims, Ch. civ, 5 mars 2007, n° 05/01692.

[5]Cass., com. 8 novembre 2005, cassation n° 04-12.322.