Par un jugement du 12 décembre 2019, feu le Tribunal d’instance de CALAIS a estimé d’une part, que le locataire qui réalise des travaux d’aménagement au mépris du contrat de bail n’use pas du bien loué de manière déraisonnable et d’autre part, qu’existait un contrat synallagmatique informel entre ce dernier et la bailleresse, aujourd’hui décédée, qui donna son accord verbal pour les divers travaux. En conséquence ni la résiliation du bail, ni l’expulsion, ni la remise en état des lieux ne saurait être prononcée.
Les faits étaient les suivants : par acte authentique du 1er octobre 2005, une bailleresse avait donné à bail à nos clients, preneurs, un immeuble à usage d’habitation à CALAIS. L’acte prévoyait que la bailleresse se réserve un droit de passage sur l’un des côtés de l’immeuble afin de se rendre à une construction secondaire située au fond de l’immeuble. L’une des clauses précisait également que « le locataire ne pourra réaliser aucune transformation des biens loués sans l’autorisation expresse et par écrit du bailleur (sic) ». Il était enfin prévu qu’en cas d’inobservation de cette clause par le locataire ; et si ces transformations nuisaient à la sécurité ou au bon fonctionnement des équipements privatifs, le bailleur pouvait exiger la remise en état des lieux sans attendre le départ du locataire. Or, au cours du bail, les locataires ont fait construire un carport sur le passage donnant accès à l’annexe, qu’ils ont finalement occupé eux-mêmes et dont ils ont fait réparer la toiture à leur frais. Ils ont, en outre, procédé au forage du pignon afin d’installer une porte donnant sur le carport et ont assuré cette dépendance au même titre que leur immeuble.
Le 21 juin 2017, les ayant-droits de la bailleresse ont fait assigner les locataires aux fins :
- A titre principal, de résiliation de bail et d’expulsion sous astreinte, outre une indemnité d’occupation mensuelle de 600 € à compter de la date de résiliation et jusqu’à la date effective de libération des lieux et des dommages et intérêts à hauteur de 1.000 €.
- A titre subsidiaire, de condamnation des locataires à remettre les lieux en l’état sous astreinte, outre divers dommages et intérêts.
Selon les bailleurs, les clauses contractuelles énoncées ci-dessus ont été méconnues de sorte que, en vertu de la force obligatoire des contrats, la résiliation du bail est justifiée.
Le Tribunal d’instance de CALAIS ne suivra pas cette argumentation.
D’abord sur la demande principale. Après avoir rappelé : qu’il n’était pas contesté d’une part que divers travaux d’aménagement ont été réalisés « en violation de la clause du bail (sic) » ; d’autre part que les preneurs ont délibérément investi la maison située au fond du jardin. Selon le Tribunal, au visa des articles 1728 et 1729 du Code civil, quand bien même l’annexe de l’immeuble objet du contrat a été occupée de façon illégitime par les preneurs en ce qu’elle ne figurait pas sur l’acte authentique, « ce constat ne permet pas de caractériser un usage déraisonnable du bien loué ni un usage différent de sa destination (sic) ». En outre, et s’agissant de la réfection de la toiture et de l’aménagement du carport accolé à l’immeuble, puisque ces travaux ne sont pas de nature à modifier la destination des lieux mais font partie d’un tout visant à rénover et à faciliter l’accès à l’habitation, les preneurs n’ont pas fait un usage déraisonnable du bien loué. En conséquence, les demandeurs seront déboutés et la résiliation de bail ne sera pas prononcée.
Sur la demande subsidiaire ensuite. Le juge du fond retient
encore les arguments que nous avions développés au soutien des intérêts des
preneurs, à savoir :
- Qu’il existait un contrat synallagmatique informel entre les preneurs et la bailleresse qui avait donné son accord pour les divers aménagements, contrat verbal mis en évidence des témoignages et attestations.
- Que ce contrat, au visa de l’article 1122 du Code civil dans sa rédaction antérieure, était opposable aux ayant-droits de la bailleresse décédée.
Pour finalement débouter les requérants de leur demande formulée à ce titre.