Rapide aperçu des dispositions de la loi du du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

  • Dispositions pénales :
    • 135 euros d’amende en cas de violation des obligations décrétées par le premier ministre, telles les mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion dont l’interdiction du déplacement de toute personne hors de son domicile dans les lieux et aux heures fixés par décret. Pour garantir la santé publique, il peut également interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements justifiés par des besoins familiaux, professionnels ou de santé impérieux.
    • 1500 euros d’amende en cas de violation constatée à nouveau dans un délai de 15 jours.
    • 6 mois d’emprisonnement et 3750 euros d’amende, peine à laquelle peut s’ajouter une peine complémentaire de TIG et de suspension pour 3 ans au plus du permis de conduire.
    • Les agents de police municipale et les gardes champêtres, pour ce qui nous concerne, peuvent constater par procès-verbal les contraventions de violation des mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire liée au covid-19
Le Gouvernement sera autorisé à prendre par ordonnance dans un délai de 3 mois toute mesure pouvant entrer en vigueur au 12 mars 2020 (mesure rétroactive). Ces mesures concerneront:
  • Dispositions en matière de droit du travail:
    • Renforcement de l’activité partielle pour « toutes les entreprises » (BTP compris) et quelque soit leur taille. De nouvelles catégories de bénéficiaires pourraient voir le jour et sera réduit le « reste à charge » pour les employeurs et, pour les indépendants, la perte de revenus.
    • CP et RTT: Les entreprises vont pouvoir, par accord d’entreprise ou de branche (donc pas de décision unilatérale), imposer à leur salariés de prendre leurs congés payés ou de modifier leurs dates, dans la limite de 6 jours ouvrables. Pour les RTT par contre, un accord collectif n’est pas nécessaire puisque l’employeur peut, unilatéralement, imposer ou modifier unilatéralement les dates des jours de RTT, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le CET du salarié.
    • Dérogation à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical pour les entreprises « de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique« . La liste sera publiée plus tard, il s’agira sans doute des entreprises du secteur agro-alimentaire, de l’énergie, des services supports et logistiques des établissements de santé.
    • Assouplissement des conditions et des modalités de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
    • Assouplissement des conditions (date) et modalités de versement des sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation.
    • Assouplissement des modalités d’information et de consultation du CSE « pour leur permettre d’émettre les avis dans les délais requis » en facilitant le recours aux consultations dématérialisées. Egalement suspension des processus électoraux des CSE en cours.
  • Dispositions en matière de droit commercial:
    • Adaptation des dispositions du Livre 6 (qui concerne les entreprises en difficulté) « afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire« : création d’un fonds de solidarité avec la participation des régions pour les petites entreprises, extension du champ du chômage partiel, capacité renforcée de la Banque publique d’investissement d’accorder des garanties, report des charges sociales et fiscales et sursis aux factures de loyers, de gaz et d’électricité pour les petites entreprises et les petits commerces… Dans ce contexte, il est demandé au Président des Tribunaux de commerce de ne pas ouvrir de nouvelles procédures.
  • En matière procédurale, une ordonnance sera prise adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit (à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions). Ces mesures seront rétroactivement applicables au 12 mars 2020.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746313&categorieLien=id

Employeurs, défaut de mise en place d’institutions représentatives du personnel et préjudice du salarié

Par un arrêt du 8 janvier 2020 (n° 18-20.591), la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue confirmer que l’employeur qui n’avait pas organisé la tenue d’élections professionnelles (en l’espèce pendant au moins 18 ans), commet une faute « qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».

Les salariés n’ont pas besoin de rapporter la preuve d’un préjudice.

En conséquence, il est nécessaire pour l’employeur, qui aurait effectué des démarches pour une telle mise en place, de dresser un procès-verbal de carence.

Par ailleurs, outre le versement de dommages et intérêts aux salariés, l’employeur qui n’accomplit pas de telles démarches alors qu’il y est légalement tenu, encourt, outre l’irrégularité de certaines procédures (dans lesquelles il est nécessaire de recueillir l’avis du CSE), une sanction pénale.

Employeurs : attention à la rédaction de la clause de mobilité

Par un arrêt du 2 octobre 2019, la Cour de cassation est venue rappeler que la clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application ET ne pas conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.

Ainsi, le licenciement d’une salariée, qui avait refusé une modification du secteur géographique de son activité, alors que la clause de mobilité était rédigée en ces termes : « l’employeur se réserve le droit, à tout moment, et selon sa propre initiative, d’élargir, réduire ou modifier le secteur ci-dessus défini, de même que la qualification de la zone » est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; malgré le fait que la salariée soit responsable de secteur (impliquant de facto une large mobilité).

Il est donc important pour l’employeur de définir précisément la zone géographique de la mobilité.

Tel est le cas, par exemple, de la clause de mobilité par laquelle le salarié accepte tout changement de lieu de travail nécessité par l’intérêt ou le fonctionnement de l’entreprise dans la limite du territoire français ou encore de la clause prévoyant que le lieu de travail pourra être modifié et transféré en tout autre lieu sur le territoire national.

Employeur/Salarié(e) : attention à la rédaction de la transaction

Une salariée avait conclu avec son employeur une transaction prévoyant notamment le versement à son profit d’un rappel de salaire. Au sein du protocole transactionnel, et comme la pratique l’envisage, était prévu qu’elle renonce aux droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution de son contrat de travail.

La salariée qui sollicitait la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre d’une discrimination salariale a vu sa demande rejetée par la Cour d’appel  au motif, notamment, qu’elle était afférente à l’exécution du contrat de travail, donc couverte par la renonciation prévue au sein de la transaction qui doit recevoir plein effet.

L’arrêt est cassé.

La Cour de cassation privilégie une solution pragmatique : « la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction ».

Cette solution est clairement avantageuse pour le salarié qui peut agir postérieurement à la conclusion de la transaction rédigée en termes généraux pour d’autres faits survenus au cours de l’exécution du contrat de travail.

A l’employeur, qui souhaite se prémunir, de prévoir au sein du protocole transactionnel qu’au titre des concessions du salarié, ce dernier, par exemple, renonce à l’ensemble de ses droits, actions et prétentions, dont il dispose à ce titre du fait de l’exécution de ce contrat, y compris, notamment, toutes réclamation, action ou instance relatives à d’éventuelles commissions, primes salariales, à d’éventuelles heures supplémentaires, à la durée du travail, aux plages de repos quotidien ou hebdomadaire, à tout harcèlement ou pression éventuellement subis par lui.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000039285488&fastReqId=1511300396&fastPos=1

Une proposition de loi vise à instaurer une « sixième semaine de congés payés »

Le 2 juillet 2019, a été enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale, une proposition de loi émanant de députés de la FRANCE INSOUMISE visant à modifier le seul article L. 3141-3 du Code du travail pour, in fine, « instituer une sixième semaine de congés payés ».

L’exposé des motifs fonde sa nécessité:

  • D’une part, sur le fait qu’il serait temps de reprendre le chemin vers le temps libre et le progrès social puisqu’aujourd’hui nous connaîtrions une augmentation considérable de la productivité des travailleurs français (par rapport à une journée travaillée en 1982, date de l’institution de la 5e semaine de congés payés).
  • D’autre part, à cause de l’automatisation des process de production, qui réduirait la main d’œuvre humaine :

« Il est donc logique de réduire d’autant le temps de travail sur l’année, afin que celui-ci ne soit pas réservé à un petit nombre de personnes, tandis que les autres sont au chômage, faute de travail disponible ».

N.B. Cette idée n’est pas nouvelle. Dès les années 1930 Luigi Einaudi, économiste Italien, proposa de « travailler moins pour travailler tous » afin d’éviter la chute des dépenses de consommation induite par le chômage.

In fine, cette mesure devrait permettre, selon les initiateurs de la proposition ; la création d’emplois puisqu’il serait impossible de compenser une semaine d’absence par une réorganisation du temps de travail sur une journée, de sorte que l’employeur serait obligé de recruter.

http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/propositions/pion2097/(index)/propositions-loi

Quelques observations sur cette proposition et sur ses justifications :

A titre préalable, notons que le fait pour un salarié de travailler pendant la durée de son congé, puisqu’il constitue un véritable droit au repos, est susceptible de constituer une faute grave donc justifier un licenciement. La sixième semaine de congés payés ne pourrait donc justifier, pour le salarié, du temps libre pour travailler (pour son employeur ou un autre…)

Cette précision faite, tout d’abord, l’organisation de la prise de congés payés incombe, en vertu de son pouvoir de direction, à l’employeur. Ainsi, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts s’il n’a pas bénéficier de son congé. Autrement dit, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que le salarié puisse bénéficier de ses congés. Il serait susceptible, dans le cas contraire, d’engager sa responsabilité civile voire pénale.

Ensuite, la modification de l’article L. 3141-3, si elle devait entrer en vigueur, constituerait une nouvelle disposition d’ordre public. Il ne serait donc pas possible pour l’employeur d’aménager cette durée par accord collectif (sauf dans un sens plus favorable aux salariés). Finalement, certains employeurs peuvent déjà faire bénéficier à leurs salariés une sixième semaine de congés payés.

En outre, sur la justification tirée de l’obligation de recrutement, relevons qu’il est déjà possible pour l’employeur de remplacer le salarié en congé en recrutant un salarié sous contrat à durée déterminée ou en ayant recours au travail temporaire. Rien ne l’oblige ou l’obligerai donc à recruter davantage.

S’agissant de la durée des congés payés, l’article L. 3141-18 du Code du travail, qui ne semble pas, paradoxalement, être modifié par ladite proposition, nous dit que la durée des congés payés pouvant être pris en une seule fois est de 24 jours ouvrables (sauf dérogations). En d’autres termes, seules 4 semaines peuvent être prises en continu, la 5e devant être prise séparément et/ou en fractionné. En conséquence, la 5e, voire la 6e semaine, pourraient être prises pendant, ou en dehors de la période légale des congés. L’impossibilité avancée et, a fortiori la conséquence qui en est tirée (la création d’emplois), nous paraissent donc tout à fait relative, puisque rien n’oblige le salarié à prendre la 5e, voire la 6e  semaine en une seule fois et donc à obliger l’employeur à réorganiser le temps de travail.

Finalement, au-delà du besoin que pourrait ressentir les salariés à bénéficier d’une semaine supplémentaire de congés payés, les arguments avancés par les initiateurs de la proposition, ne nous semblent pas juridiquement pertinents.

Les aspects « Droit social » de la loi Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises dite loi PACTE (sous réserve de DC du Conseil constitutionnel)

La loi PACTE a été définitivement adoptée le 11 avril dernier. 

Elle prévoit en matière sociale : 

  • Des nouvelles règles de décompte des effectifs et de franchissement de seuils. A compter du 1erjanvier 2020 : regroupement des seuils autour de 3 seuils d’effectifs, 11, 50 et 250 salariés (suppression du seuil des 20 salariés). 

Le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif ne sera pris en compte que lorsque ce seuil aura été atteint ou dépassé durant 5 années civiles consécutives.

Le franchissement à la baisse d’un seuil d’effectif sera pris en compte lorsque le seuil inférieur aura été  atteint pendant une année civile. 

L’établissement d’un règlement intérieur ne deviendra obligatoire, non plus pour les entreprise de 20 salariés mais de 50 (lorsque le seuil aura été atteint pendant 12 mois consécutifs).

  • Le renforcement de l’intégration des enjeux sociaux et environnementaux. 

Le futur article 1833 du Code civil devrait être ainsi rédigé : « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés.  La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

Parallèlement, l’article 1835 du même Code, qui a trait aux statuts de société, prévoirait a possibilité aux sociétés de préciser leur « raison d’être » ; en opposition donc avec la « raison d’avoir » et, in fine, avec un désir de rentabilité capitalistique d’investissements des actionnaires. 

  • Des mesures destinées à favoriser l’épargne salariale comme le relèvement du plafond de la prime d’intéressement à 75 % du PASS (30.393€) ; montant qui correspond également au plafond d’exonération de l’IR.
  • Des mesures relatives aux différents plans d’épargne retraite. Entre autre : 

Déblocage anticipé des droits : décès du conjoint ou du partenaire ; Invalidité ; surendettement ; cessation d’activité de l’assuré après un jugement d’ouverture de LJ. 

Portabilité des droits (cf. transposition future de la Directive 2014/50 par ordonnance).